Le 1er mai a été l'occasion de manifestations dans le monde entier avec un caractère plus ou moins inventif.
Danielle Tartakowsky, historienne, professeur à l'université Paris-VIII, nous livre ses réflexions sur le sens des manifestations. Quelques exemples historiques.
C'est à l'occasion des manifestations de masse de mai 1966 et mai 1967 que l'inventivité resurgit avec force, avec des personnages en carton, des slogans en forme de clin d'oeil et des chansons détournées comme "les Cactus" de Jacques Dutronc. dès les années 1970, d'autre part, les organisations syndicales ont pris conscience de l'importance de la médiatisation. D'où les couleurs distinctes des confédérations, les gros ballons que l'on peut voir à la télévision.
Cela va de pair avec un phénomène de vieillissement des symboles, accentué dans les années 1980 pour des raisons politiques et esthétiques. Le rapport à "l'Internationale", au drapeau rouge, devient complexe. La CGT bascule du drapeau rouge au "chiffon rouge". Aujourd'hui, cette forte inventivité des individus est une forme d'entrée active dans la manifestation. C'est l'entrée en politique d'individus qui n'ont pas forcément de culture en la matière. Peut-être cela révèle-t-il un rapport faible à l'organisation et à son histoire. Mais on peut y voir aussi l'indice d'un renouvellement des forces militantes. Cette inventivité fait école et ceux qui ont une culture manifestante se l'approprient également.
Au cours des dernières années, deux manifestations avaient fait l'objet d'une irruption massive de l'inventivité. Celle du 16 janvier 1994 contre la révision de la loi Falloux (pour défendre le financement de l'école publique), où l'on avait vu une multiplication de petites pancartes - sur le thème "Touche pas à mon école" - faites à la maison après une réflexion en famille et la grande manifestation anti-Le Pen du 1er mai 2002. Dans les deux cas, ces mobilisations faisaient appel à l'individu dans son rapport à la République et à ses valeurs. Ce qui a contribué à ouvrir des espaces de liberté.
Nous sommes aujourd'hui dans un onde très médiatisé. Les organisations syndicales en ont pris conscience. Mais les manifestants aussi. Chacun est conscient de l'image qu'il construit et cherche à être pris en photo. On a, de plus, affaire à un gouvernement qui a le sens de la formule provocatrice et ouvre de ce fait des boulevards aux manifestants. Le 29 janvier et le 19 mars, il y avait beaucoup de créativité et de diversité, mais avec deux fils directeurs créés par le gouvernement lui-même. Si la plate-forme commune des confédérations était politique, au sens large du terme, en avançant des revendications sur l'emploi, les salaires, les services publics..., à l'inverse, toutes les mises en scène individuelles étaient très largement centrées sur les individus au pouvoir et leurs formules provocatrices. Peut-être faut-il y voir aussi le signe d'une génération très marquée par "les Guignols de l'info".
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