lundi 6 juillet 2009

AFFICHES ET LUTTES SYNDICALE DE LA CGT (suite)

Le temps de vivre



Un mot d'ordre pour ce "premier" 1er mai 1890 : les 8 heures. Ainsi commençait à une échelle nouvelle, puisque nationale et internationale, le très long combat des ouvriers pour la qualité de leur vie...

Et il s'attaquait à l'essentiel : la durée du travail, car celle-ci était telle qu'elle ne laissait plus place pour aucune possibilité réelle de vie, hormis les quelques heures indispensables de repos.

Voici d'ailleurs l'état de la durée quotidienne du travail en France, relevé par Fernand Pelloutier, l'animateur du mouvement des Bourses du Travail, en 1990 :

Conducteurs des omnibus de Paris : 14 à 18 h (2 jours de repos par mois).
Employés de bazars parisiens : 15 à 17 h.
Employés de prison : 13 h.
Garçons de cafés et restaurants : de 8 h du matin à minuit passé.
Garçons de bouchers : de 15 à 18 h (un jour de repos par an).
Livreurs, camionneurs : de 4 h 30 ou 5 h du matin à 9 h du soir.
Employés des lycées de Paris : 14 h.
Aiguilleurs et mécaniciens des chemins de fer : 15 à 16 h.
Cantonniers : 10 h.
Raffineurs : 11 h.
Cordiers, manoeuvres : de 10 à 14 h.
Bijoutiers, boulangers, maçons, peintres, serruriers, charpentiers : 11 h.
Ebénistes, ouvriers d'imprimerie, graveurs, diamantaires : 8 à 10 h.


Qui décide ?


Arrêtons-nous quelques instants devant cette affiche, car elle est révélatrice d'un trait de notre caractère auquel nous portons une certaine fierté. Et d'autant plus révélatrice qu'elle date de 1890 !

Les tullistes de Calais, organisés en Chambre syndicale, sont en grève. Une grève, on l'imagine aisément, dure, longue, difficile, qui donne lieu à une véritable bataille d'affiches sur les murs de la ville. Car les patrons ne veulent pas céder, ils font bloc et tentent la manoeuvre classique : diviser les travailleurs.

D'ailleurs, comment expliquer la combativité des tullistes si ce n'est par l'intervention d'un "meneur", d'un agitateur professionnel ou de quelques fauteurs de désordre ?

Lisez la réponse : la "décision", ce 5 octobre 1890, a été prise par les 2 983 grévistes, réunis en assemblée générale.

Et vous comprendrez combien, avec de tels antécédents, nous voudrions toujours savoir respecter cette "loi fondamentale" du mouvement ouvrier, comme les tullistes de Calais... en 1890.


La lutte pour pain



Si encore la sueur suffisait pour que l'on soit assuré de gagner son pain ! En cette fin de siècle, la revendication n'est pas image, et quand les travailleurs réclament "du pain" c'est que dans les familles ouvrières il constitue souvent l'essentiel de la nourriture et que se pose pour elles l'angoissant problème qu'il soit quotidien. Déjà, en 1855, un sous-préfet du Maine-et-Loire pouvait noter : "il y a plusieurs mois que nos ouvriers tisserands sont réduits au pain, au sel et à l'eau pour toute nourriture et bien des familles n'ont même pas le pain en quantité suffisante". Ce qu'on appelait alors le paupérisme est tel que d'honorables philanthropes ont créé l'oeuvre de la "Bouchée de pain" qui distribue une ration de survie aux plus démunis. Sans doute, Jules Guesde, dans cette conférence tenue à Lyon, a-t-il cité le chiffe de 195 000 personnes qui meurent de faim et de misère. Principalement pendant cette "morte saison", où beaucoup restaient sans travail, et qu'il appelait "la saison où l'on meurt".

Quand à la réponse du pouvoir, elle est connue. Le 1er mai de cette année 1891, il fait "essayer", sur les travailleurs de Fourmies, le nouveau fusil Lebel.
Un très bon fusil. Bilan : 9 morts (dont 8 de moins de 21 ans et un enfant de 12 ans).

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